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Maître Toile : Laurent Giroux

 

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Personnes en situation de handicap,

Pour une prise en compte des incapacités à tout âge.

 

 

La loi du 30 juin 1975 dite « loi d’orientation en faveur des personnes handicapées », hormis les dispositions concernant les enfants et les adolescents, ne spécifiait aucune limite d’âge pour l’accès aux différentes prestations qu’elle a instituées, comme par exemple l’allocation compensatrice de tierce personne (ACTP). Ce raisonnement est également valable pour l’accès aux structures spécialisées du type foyer pour personnes handicapées : la loi ne fixe aucune limite d’âge pour l’admission dans ces structures, seul l’agrément de la structure peut venir en limiter l’accès.

Ainsi, on peut généralement affirmer, qu’avant la mise en place de la PSD en 1997, il n’existait aucune ségrégation entre les personnes selon l’âge et l’origine de la déficience. La situation de handicap permettait, à elle seule, d’apprécier l’ouverture du droit aux prestations.

 

En janvier 1997, le législateur a exclu du bénéfice de l’allocation compensatrice, les personnes de 60 ans et plus, pour lesquelles il a créé la prestation spécifique dépendance (PSD), officialisant ainsi la création de la catégorie « personnes âgées dépendantes ».

 

Depuis lors, et notamment depuis la publication du Livre Blanc pour une prestation d’autonomie, en 1999, de nombreuses voix se sont élevées contre cette discrimination envers les personnes handicapées en fonction de leur âge.

 

Hélas ! cette discrimination continue à être officialisée par la loi, puisque la loi relative à l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) du 20 juillet 2001 reconduit cette ségrégation des âges : attribution de l’allocation compensatrice avant 60 ans, attribution de l’APA à 60 ans et plus.

 

Rappelons, une fois encore, pourquoi cette discrimination en fonction de l’âge de survenue du handicap n’a aucun sens pour ces personnes ayant besoin concrètement d’aides diverses dans leur vie quotidienne.

 

La classification internationale des handicaps(CIH), adoptée en 1980 par l’Organisation Mondiale de la Santé, a suggéré que la notion de handicap ou de désavantage social était le résultat d’une dynamique, c’est-à-dire d’une interaction entre des déficiences physiques et/ou psychiques de l’individu, et un environnement social, et culturel.

Le handicap n’est donc pas « un état », mais un résultat : d’où l’émergence de la notion de situation de handicap. La classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF) adoptée en 2001 est venue accroître considérablement la place accordée aux facteurs environnementaux en les introduisant plus clairement dans le schéma conceptuel et en proposant une classification de cette dimension.

 

On remarque bien que dans cette notion du handicap, ou du désavantage social, les paramètres biomédicaux, psychologiques et sociaux, qui vont entraîner un besoin d’aide plus ou moins important, sont innombrables : les déficits et les incapacités vont se révéler très différemment, selon ce que  la nouvelle classification (CIF) appelle aujourd’hui « les facteurs contextuels », c’est-à-dire les facteurs environnementaux externes et les facteurs personnels internes.

 

Les facteurs environnementaux constituent l’environnement physique, social et « attitudinal » dans lequel les gens mènent leur vie.

Ces facteurs sont à deux niveaux : individuel, c’est-à-dire l’environnement immédiat de la personne, son cadre de vie, son contact direct avec les autres personnes, et sociétal, c’est-à-dire les structures sociales, services et règles de conduite, ou systèmes formels ou informels, ayant cours dans le milieu des personnes considérées.

 

Les facteurs personnels incluent le sexe, la race, l’âge, le mode de vie, les habitudes, l’éducation reçue, l’origine sociale, la profession, le niveau d’instruction, l’expérience passée et présente, etc.

L’abondance de ces paramètres, dont la liste est infinie, montre que donner une place déterminante au seul facteur « âge », est à l’évidence infondé et discriminatoire.

 

L’aberration de cette coupure en deux classes d’âge – d’un côté, les moins de 60 ans, de l’autre, les 60 ans et plus – est particulièrement mise en lumière par la situation des handicapés vieillissants de plus en plus nombreux.

Tout concourt à ce que le clivage historique existant dans les politiques de compensation des incapacités soit peu à peu supprimé.

Il faut donc que, collectivement, professionnels du monde dit « du handicap », et professionnels du monde dit « de la vieillesse », personnes handicapées de tout âge, familles,  bénévoles, associations, élus, gestionnaires et partenaires sociaux travaillent sans relâche pour abolir cette ségrégation par l’âge, et faire reconnaître dans notre société le droit pour tous à la participation à la vie sociale, chacun selon ses moyens. Il appartient, au premier chef, aux pouvoirs publics, de définir et de mettre en place les mesures correspondantes.

 

Cependant, ce droit singulier des individus plus fragiles à une véritable participation sociale, ne peut exister que s’il est garanti par une démarche collective de tous les individus qui composent la société.

Cette démarche collective doit se traduire politiquement et financièrement par une véritable mutualisation des risques devant les situations de handicap, quel que soit l’âge.

 

Une prestation autonomie destinée à compenser les incapacités, quels que soient l’âge de survenue du handicap, la nature et  l’origine de la déficience, doit se construire hors de tout principe d’assistance et de subsidiarité, dans le champ de la protection sociale nationale.

 

Comme l’ont assez unanimement démontré les débats parlementaires sur l’APA, la réponse à terme ne peut se concevoir que dans le cadre de la Sécurité Sociale :

 

 

Comment envisager l’intégration de ce risque dont la couverture se doit d’être effectivement universelle dans un système de protection sociale déjà fortement fragilisé par les déséquilibres démographiques et la crise économique ?

 

Les fondations de notre système reposent sur le principe de l’assurance obligatoire donc de la cotisation de tous au prorata de ses revenus. L’instauration de la CSG  a conforté ce principe en élargissant l’assiette des cotisations. La solution hybride retenue par le législateur dans le cadre de l’APA,n’est pas en mesure de fournir une réponse durable. Le mixage des financements et l’hybridation des genres de prestation et de gestion a ses limites et ne peut être envisagé qu’à titre provisoire.

 

Les prestations d’aide sociale  relevant de la compétence des Conseils généraux repose en effet sur les principes de l’assistance et de la subsidiarité. Conformément à l’analyse faite par le Conseil Constitutionnel, l’APA n’échappe pas à la logique des prestations d’aide sociale dans ses modalités de gestion, quand bien même ses objectifs visent la couverture universelle du risque de perte d’autonomie des personnes âgées. Cette tension entre deux modèles risque de condamner les Conseils Généraux et leurs services à un exercice de grand écart qui pourrait hypothéquer les résultats attendus notamment sur le plan quantitatif.

 

Quels seront par exemple les effets des investigations tatillonnes conduites par certains  Conseils Généraux pour l’appréciation des ressources nécessaires à la fixation de la participation financière ? Que penser de la notion même de participation financière différentielle qui laissera à la charge des personnes disposant de ressources supérieures à un certain niveau de ressources, 80 % du montant maximum de la prestation ? Le principe d’un droit à compensation des incapacités doit garantir à toute personne handicapée une réponse adaptée à ses besoins indépendamment du  niveau de ressources de l’intéressée. Si effectivement il doit y avoir une équité financière entre les citoyens les plus riches et les citoyens les plus pauvres, elle doit s’exercer sur toute la population en amont des prestations (notamment par le biais de l’impôt) et non quand les gens sont en difficulté et ont besoin d’aide. C’est cela le principe fondamental de mutualisation des risques dans une société solidaire.

 

Tout revient en fait à poser la question de l’opportunité d’étendre le périmètre du socle de notre système de protection sociale nationale à la question de la compensation des incapacités, quels que soient l’âge et l’origine de la déficience.

 

Des pays européens, tels que l’Allemagne, les Pays-Bas, la Suède, la Norvège et le Danemark, ont franchi le pas. Il convient maintenant que la France se détermine clairement et adopte elle aussi  une approche plus large de la compensation des incapacités en abrogeant le seuil couperet des 60 ans qui ségrégue aujourd’hui la prise en charge des personnes handicapées en fonction de l’âge.

 

Les prestations visant à compenser les incapacités instituées par la loi d’orientation du 30 juin 1975, en dépit des indéniables avancées qu’elles ont autorisées et des améliorations sensibles qu’elles ont introduites, demeurent fortement inscrites dans le champ de l’aide sociale départementale.

 

La mise en place de l’APA a contribué à poser la question dans des termes différents. Des voix s’élèvent aujourd’hui dans le monde des personnes handicapées pour reconnaître une certaine attractivité à cette nouvelle allocation, en raison de l’ouverture qu’elle opère vers la protection sociale nationale. Toutefois seule la mise en place d’un dispositif homogène de compensation des incapacités inscrit dans un véritable régime de protection sociale permettra d’apporter une réponse adaptée à l’ensemble des personnes handicapées quel que soit leur âge.

 

 

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