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La loi sur l’assurance dépendance au Grand- Duché de Luxembourg
Andrée Kerger Cellule d’évaluation et d’orientation 125 route d’Esch L-2974 Luxembourg e-mail : andree.kerger@igss.etat.lu
Plan de l’exposé :
1. Introduction
2. Définition de la dépendance dans le cadre de l’assurance 2.1 Une cause 2.2 Un effet : le besoin d’aide d’une tierce personne 2.2.1 portant sur des domaines définis 2.2.2 présentant une durée définie 2.2.3 Présentant une intensité définie
3. Evaluation de l’état de dépendance et mesure 3.1 L’évaluation de l’état de dépendance 3.2 La détermination des aides et soins
4. Les prestations de l’assurance 4.1 Les prestations dans le cadre du maintien à domicile 4.2 Les prestations en établissement d’aides et de soins 4.3 Possibilité de conversion des prestations en nature en prestations en espèces 4.4. Plafond des prestations 4.5 Paiement des prestations
L’organisation de l’assurance dépendance 5.1 L’union des caisses de maladie 5.2 La cellule d’évaluation et d’orientation 5.3 La commission consultative 5.4 Action concertée de l’assurance dépendance 5.5. Les actions expérimentales
Les relations avec les prestataires 6.1 Les établissements d’aides et de soins 6.2 Les réseaux d’aides et de soins 6.3. L’agrément et le contrat d’aides et de soins
Le financement de l’assurance dépendance
8. Les perspectives 8.1. Simplification de la procédure d’évaluation 8.2. Dépôt par le gouvernement d’un projet de modification de la loi
La loi du 19 juin 1998 sur l’assurance dépendance se caractérise par la mise en place des dispositions suivantes : · Création d’une assurance obligatoire; · Création au profit des personnes protégées d’un droit inconditionnel à des prestations en nature et subsidiairement, à des prestations en espèces pour leur permettre de se procurer des aides et soins dans les actes essentiels de la vie auprès de tierces personnes ; · Institution d’un système d’évaluation, d’orientation et de prise en charge des personnes dépendantes ; · Organisation des relations avec les prestataires d’aides et de soins dans le cadre du maintien à domicile et en établissement ; · Institution d’un système de financement mixte afin de créer une assise financière à la nouvelle forme d’assurance.
Les dispositions de la loi se fondent sur quatre principes directeurs : · La priorité des mesures de réhabilitation avant la prise en charge de la dépendance ; · La priorité au maintien à domicile avant l’hébergement en institution ; · La priorité aux prestations en nature avant les prestations en espèces ; · La continuité dans la prise en charge de la dépendance.
Entrée en vigueur au 1er janvier 1999, cette loi reste très jeune dans l’ensemble de la sécurité sociale et malgré un important travail fourni par tous les acteurs concernés, il reste un long chemin à parcourir avant de parler de maturité.
L’assurance dépendance a modifié fondamentalement les paramètres de la prise en charge des personnes dépendantes, âgées, malades ou handicapées. Il n’est pas exagéré de parler ici de petite révolution. En effet, si par le biais de l’assurance, on a introduit pour la personne dépendante, le principe d’un droit individuel aux aides et soins, on a par ailleurs changé fondamentalement le mode de subsidiation des prestataires d’aides et de soins. Ce n’est plus la collectivité qui finance la prise en charge d’une personne dépendante dans le cadre du maintien à domicile ou dans un établissement, c’est la personne elle-même qui finance sa prise en charge par le biais de l’assurance. C’est dire toute l’importance qu’a pu prendre ce projet, tous les espoirs mais aussi toutes les craintes qu’il a pu susciter.
A l’instar de l’Allemagne, le législateur luxembourgeois a choisi de reconnaître la dépendance comme un risque de la sécurité sociale au même titre que la maladie, l’accident de travail, l’invalidité ou la vieillesse.
Notons que, même si historiquement, la loi sur l’assurance dépendance trouve son origine dans l’accroissement de la longévité, elle concerne néanmoins toutes les personnes dépendantes, quel que soit leur âge.
2. Définition de la dépendance dans le cadre de la nouvelle assurance
Le législateur luxembourgeois a calqué la définition adoptée pour la dépendance sur celle qui avait été retenue en Allemagne. La loi luxembourgeoise définit la dépendance comme l'état d'une personne qui, par suite de maladie physique, mentale ou psychique ou d'une déficience de même nature, a un besoin important et régulier, d'assistance d'une tierce personne pour les actes essentiels de la vie. La définition adoptée se structure autour de deux éléments principaux et de trois éléments secondaires indissociables les uns des autres: - une cause : la maladie physique, psychique ou mentale ou une déficience de même nature ; - un effet: le besoin d’aide d’une tierce personne, qui est défini lui-même par trois sous éléments : - une limite quant à sa nature, un objet : le besoin d’aide doit relever des actes essentiels de la vie ; - une limite inférieure dans l’intensité, le seuil : le besoin d’aide doit représenter une importance définie ; - une limite inférieure dans le temps, la durée : il doit s’étendre sur une période définie et doit présenter une régularité dans le temps.
2.1 Une cause Pour être considérée dans le cadre de la loi, la dépendance doit être consécutive à une cause médicale. Ainsi, le grand âge ne peut-il être à lui seul, dans notre contexte, une cause de dépendance. Au titre de causes de la dépendance, on peut citer- Les atteintes ou lésions des organes internes ou de la mobilité - Les maladies ou troubles fonctionnels des organes internes - Les atteintes ou lésions des organes sensoriels - Les atteintes mentales et psychiques La cause de la dépendance permet d’envisager une prise en charge spécifique adaptée à la maladie ou au handicap. Elle permet aussi d’envisager des mesures de prévention et de réhabilitation. La cause permet enfin, de pronostiquer la durée de la dépendance.
2.2 Un effet
La maladie ou le handicap doivent générer un besoin d’aide d’une tierce personne.
2.2.1 Le besoin d’aide doit porter sur les actes essentiels de la vie. Les actes essentiels de la vie sont les actes relevant des domaines de la nutrition, de l'hygiène corporelle et de la mobilité. Le domaine de la nutrition recouvre des actes tels que servir, couper, moudre, mixer la nourriture mais aussi manger et boire. Le domaine de l'hygiène corporelle recouvre des actes tels que se laver, soigner sa peau, éliminer. Le domaine de la mobilité comprend des actes tels que rentrer et sortir du logement, monter et descendre les escaliers, changer de position, se déplacer, s'habiller et se déshabiller.
On notera que dans sa définition de l’état de dépendance, la loi luxembourgeoise ne prend pas en compte le besoin d’aide pour les tâches domestiques.
2.2.2 Le besoin d’aide peut s’exprimer sous différentes formes selon la nature et la gravité de la dépendance : la personne peut ainsi être physiquement totalement ou partiellement incapable de poser l’acte. Elle peut aussi être incapable de poser l’acte en raison de barrières psychiques ou mentales, alors que ses capacités physiques lui permettraient encore de l’exécuter. La loi prévoit ainsi que l’aide apportée peut consister : - à faire l'acte ou une partie de l'acte à la place de la personne, lorsque la personne ne peut plus, physiquement, faire l’acte elle-même. Cette forme d’aide concerne principalement les dépendances d’ordre physique ou les graves dépendances d’ordre psychique. - à soutenir et motiver la personne pour exécuter l'acte, lorsqu’elle peut physiquement faire l’acte elle-même. Cette forme d’aide concernera les personnes qui ne perçoivent plus la nécessité de faire l’acte ou ne l’exécutent plus correctement. La personne soignante renforce la personne pour poser l’acte de façon autonome. - à surveiller la personne lorsqu'elle exécute l'acte, lorsqu’elle est encore physiquement à même d’exécuter l’acte. Cependant, elle ne l’exécute pas correctement ou se met en danger lorsqu’elle l’exécute. La personne soignante surveille l’exécution de l’acte pour écarter les risques et les dangers. - à instruire la personne, lorsqu’il s’agit de lui apprendre à utiliser les fonctions restantes.
2.2.3 Le besoin d’aide doit représenter une durée définie Le besoin d’aide d’une tierce personne doit présenter une durée minimale. L’assurance dépendance ne concerne pas les dépendances de courte durée, liées à un problème aigu. La durée de l'état de dépendance doit être prévisible pour un minimum de six mois ou être irréversible.
2.2.4 Le besoin d’aide doit présenter une intensité définieLe besoin d’aide d’une tierce personne doit être important et régulier. Pour être pris en charge dans le cadre de l’assurance, l'état de dépendance doit présenter une certaine intensité. Le législateur a dès lors fixé une limite inférieure pour l’accès aux prestations de l’assurance dépendance : ce besoin doit représenter un minimum de trois heures et demie par semaine. En dessous de ce seuil, un besoin d’aide peut exister mais il ne relève pas de la couverture de l’assurance dépendance.
3. Evaluation de l’état de dépendance et mesure
3.1. L’évaluation de l’état de dépendance Il appartient à la personne dépendante, qui est sujet de droit, d’introduire la demande. La demande comporte un rapport du médecin traitant. L'évaluation de l'état de dépendance comporte deux volets : une évaluation médicale et une évaluation de base.
3.1.1. L’évaluation médicaleL’évaluation médicale consiste en un examen clinique de la personne dépendante afin de déterminer les causes de la dépendance et d’établir un pronostic de durée. Pour réaliser cet examen clinique, le médecin de la cellule d’évaluation s’appuie sur le rapport du médecin traitant de la personne dépendante. L’évaluation médicale peut être complétée, si nécessaire, par des examens complémentaires ou par des avis médicaux de médecins spécialistes.
Bien qu'exigeant impérativement une cause médicale, la loi ne s'est pas appuyée pour la définition de la dépendance, sur un catalogue de pathologies mais sur la notion de besoin d'aide. Ce besoin d'aide est différent d'une personne à l'autre et une même pathologie n'entraîne pas les mêmes besoins. L’approche de ce besoin d’aide est l’objectif de l’évaluation de base.
3.1.2. L’évaluation de base (de la dépendance)
L'évaluation de base consiste à montrer sur quels aspects de la vie quotidienne, la maladie, la déficience ou le handicap génère une perte d'autonomie et comment celle-ci se traduit en un besoin d’aide pour les actes essentiels de la vie.
L’évaluation de base est confiée à un professionnel de la santé : infirmier, infirmier psychiatrique, psychologue, ergothérapeute, kinésithérapeute ou assistant social. Le choix de l’évaluateur se fait en fonction des caractéristiques du dossier.
L'évaluation de base se fait en deux temps : - avec le demandeur lui-même ; - avec une personne significative, particulièrement informée de la situation de la personne dépendante. La personne significative est renseignée par la personne dépendante elle-même dans le formulaire de demande. - l'évaluateur peut en outre, s'il le juge nécessaire, prendre des informations supplémentaires auprès d'un professionnel du terrain, qui intervient auprès du demandeur.
En raison du fait que les caractéristiques environnementales peuvent influencer la dépendance du demandeur, il est essentiel que l’évaluation de base puisse toujours être réalisée dans le milieu de vie du demandeur. Le recueil des informations dans le cadre de l’évaluation de base se fait à l’aide d’un questionnaire pré-établi.
Pour des raisons évidentes de cohérence, l'évaluation médicale et l'évaluation de l'autonomie doivent être réalisées à peu près simultanément.
3. 2. La détermination des aides et soins Lorsque l’évaluation est terminée, le dossier du demandeur est examiné en équipe multidisciplinaire. L’équipe multidisciplinaire est composée d’un médecin, d’un infirmier ou d’un infirmier psychiatrique, d’un kinésithérapeute ou d’un ergothérapeute et d’un psychologue. Sa composition peut varier selon la nature de la pathologie de la personne concernée. Cette équipe retient, sur base des données de l’ensemble de l’évaluation, acte par acte, avec une fréquence quotidienne et hebdomadaire, les aides et soins qu'elle estime nécessaires pour le bien-être de cette personne et les consigne dans un relevé des aides et soins. Compte tenu de leur formation différente, les membres de l’équipe ont un regard différent sur le contenu du dossier de l’évaluation. Il est essentiel que les différents professionnels puissent s’exprimer et que l’équipe fasse consensus sur les aides et soins retenus.
L’équipe multidisciplinaire émet en outre un avis sur la nécessité d'octroyer le forfait pour les produits nécessaires aux aides et soins, les appareils et les adaptations du logement. L’ensemble des prestations retenues est consigné en un plan de prise en charge destiné à la personne dépendante elle-même et au prestataire qu’elle aura choisi.
Dans le cadre de l’assurance dépendance luxembourgeoise, on n’a donc pas opté pour une classification des personnes dépendantes mais pour un système de mesure tout à fait individuel, basé sur des actes d’aide ou de soin.
On notera que chaque aide ou soin retenu pour la personne dépendante est affecté d’une durée standard. La somme de ces durées standard constitue la mesure objective de la dépendance. Elle constitue la base du paiement des prestations et la référence pour le seuil et les différents plafonds des prestations.
4. Les prestations de l’assurance dépendance
Les prestations sont différentes suivant que la personne dépendante se trouve dans un domicile privé ou dans un établissement d’aide et de soins.
4.1. Prestations dans le cadre du maintien à domicile Lorsque la personne à domicile est reconnue dépendante par la cellule d’évaluation et d’orientation, elle pourra avoir droit, en fonction de ses besoins, aux prestations suivantes : - aides et soins dont elle a besoin pour les actes essentiels de la vie[1]. - aide pour la prise en charge de l’entretien courant du logement et du linge. - aide sous forme d’activités de soutien. Les activités de soutien sont principalement destinées à stimuler l’autonomie de la personne concernée et à prévenir une aggravation de l’état de dépendance. Elles répondent à un besoin spécifique et identifié de la personne concernée et sont, comme toutes les prestations de l’assurance dépendance, centrées sur le besoin d’aide d’une tierce personne pour les actes essentiels de la vie. Les activités de soutien pourront consister en une présence au domicile de la personne qui ne peut rester seule, en un encadrement individuel spécialisé, un accompagnement pour une sortie ou des courses ou la fréquentation d’un centre de jour spécialisé. Ces activités de soutien peuvent être des activités individuelles ou de groupe. - aide sous forme de conseils professionnels destinés à préserver le potentiel d’autonomie de la personne et à permettre à l’entourage l’apprentissage de gestes adéquats pour l’aide et les soins.
La loi prévoit en plus d’autres prestations :
- des mesures à l’égard de la personne qui assure les aides et soins à domicile en dehors d’un service professionnel. L’assurance dépendance prendra ainsi en charge les cotisations à l’assurance pension pour cette personne. La loi prévoit aussi à son intention une possibilité d’un congé annuel de trois semaines. - La prise en charge de l’achat ou de la location des appareils: fauteuil roulant, lit adapté, canne d’appui, coques… - les adaptations du logement nécessaires pour le rendre accessible à la personne dépendante, favorisant ainsi son autonomie et le maintien à domicile. - une aide financière pour l’achat de produits nécessaires aux aides et soins.
4.2. Prestations en établissement d’aide et de soins En établissement, la personne dépendante pourra avoir droit, en fonction de ses besoins: - aux aides et soins dont elle a besoin pour les actes essentiels de la vie ; - à une aide pour les tâches domestiques ; - à des activités de soutien ; - à la prise en charge des appareils pour autant que ceux-ci n’appartiennent pas à l’équipement standard d’un établissement (par exemple, les lits de soins) ; - aux produits nécessaires aux aides et soins.
4.3. Possibilité de conversion des prestations en nature en prestations en espèces Dans le cadre de l’assurance dépendance au Luxembourg, on parle de prestations en nature pour désigner les aides et soins lorsqu’ils sont apportés par des services professionnels (réseaux d’aides et de soins à domicile ou établissements d’aide et de soins).
Dans le cadre du maintien à domicile, les prestations en nature pour les actes essentiels de la vie peuvent être remplacés partiellement ou intégralement par une prestation en espèces (une somme d’argent) , destinée à permettre au bénéficiaire de se procurer lui-même les soins dont il a besoin en recourant à une aide non- professionnelle, un membre de la famille par exemple. Au Luxembourg, on accepte communément le terme d’aidant informel pour désigner cette personne qui apporte des aides et soins à titre privé.
Reconnaissant une priorité à la prise en charge de la personne dépendante par des services professionnels, garantie de la qualité des soins, le législateur a privilégié la prestation en nature par rapport à la prestation en espèces. Aussi a-t-il limité le nombre d’heures d’aides et soins susceptibles d’être remplacées par une prestation en espèces : - jusqu’à sept heures d’aides et de soins, la personne peut remplacer la totalité par une prestation en espèces. - entre sept et quatorze heures, seule la moitié peut être remplacée par une prestation en espèces, à condition que la personne soit disposée à accepter une aide professionnelle pour l’autre moitié. - Au-delà de quatorze heures, le remplacement n’est plus possible.
La personne dépendante peut aussi combiner des prestations en nature avec des prestations en espèces. Elle pourra recourir partiellement à l’aide de services professionnels et pour le reste à l’aide de son entourage. La prestation en espèces équivaut à la moitié de la valeur de la prestation en nature qu’elle remplace. Le remplacement des prestations en nature par des prestations en espèces est seulement possible dans le cadre du maintien à domicile.
4.4 Plafonds des prestations - Pour les domaines des actes essentiels de la vie, la prise en charge des aides et soins ne peut dépasser vingt-quatre heures et demie par semaine, à domicile. - En établissement de long séjour, ce maximum peut être porté à trente et une heures et demie par semaine. - Ce maximum peut être majoré de deux heures trente pour les tâches domestiques, forfait qui peut être porté à quatre heures en cas de nécessité et notamment en cas d'incontinence de la personne (fréquent changement de literie, lessives plus fréquentes etc.) - Les activités de soutien peuvent être prises en charge pour un maximum de douze heures par semaine. - Les conseils sont accordés en début de prises en charge. Ils ne constituent pas des prestations récurrentes.
4.5 Le paiement des prestations Les prestations en nature sont payées directement au prestataire par l’union des caisses de maladie, sur base de factures. Les prestations en espèces sont payées à la personne dépendante qui en dispose pour rémunérer l’aidant informel. La valeur monétaire d’une heure d’aide ou de soin est négociée annuellement par l’union des caisses de maladie avec l’organisme représentant l’ensemble des prestataires d’aides et de soins. Cette valeur est une moyenne de l’ensemble des coûts des prestataires (rémunérations des professionnels et charges des services). On retient actuellement deux valeurs monétaires différentes[2], une première pour les prestations du maintien à domicile, une seconde pour les prestations en établissement de long séjour.
5. L’organisation de l'assurance dépendance
5.1 L’union des caisses de maladie L’organisme gestionnaire de l’assurance dépendance est l’Union des Caisses de Maladie, qui gère à la fois les prestations de l’assurance maladie et de l’assurance dépendance. L’union des caisses de maladie prend les décisions individuelles et gère les budgets de l’assurance dépendance. Les avis concernant l’attribution des prestations, des fournitures et des mesures sont émis par la cellule d’évaluation et d’orientation.
5.2 La cellule d’évaluation La cellule d'évaluation et d'orientation est en quelque sorte, la cheville ouvrière de l’assurance dépendance.
Ses missions sont nombreuses: Outre ses missions d’évaluation et de détermination des prestations auxquelles la personne dépendante a droit, la cellule d’évaluation et d’orientation doit aussi : - proposer les cas échéant les mesures de rééducation et de réadaptation qui s’imposeraient ; - centraliser des données sur l'offre et la demande en établissement d’aide et de soins et en centre de jour spécialisé ; - proposer, si cela semble être l’intérêt de la personne dépendante, une admission en établissement d’aides et soins ; - évaluer l’urgence des demandes d’entrée en établissement
La cellule d’évaluation et d’orientation est en outre, chargée d’une mission d'information et de conseil en matière de dépendance par rapport à toutes les instances concernées par le problème. Cette mission devrait, à l’avenir constituer une tête de pont pour les missions de prévention.
Comme on l’a vu précédemment, la cellule d’évaluation et d’orientation est organisée sur une base multidisciplinaire. Elle peut également recourir à des experts externes pour la réalisation de ces missions.
5.3 La commission consultative La commission consultative est composée de représentants des bénéficiaires de l’assurance, de représentants des prestataires, de partenaires sociaux et de représentants de l’organisme gestionnaire. Elle est appelée à donner son avis sur - les instruments de la mesure de la dépendance, à savoir le questionnaire d’évaluation et le relevé des aides et soins; - les projets d’actions expérimentales à mener dans le cadre de l’assurance dépendance, au bénéfice de certains groupes spécifiques ; - la liste des appareils à prendre en charge par l’assurance dépendance.
5.4 Action concertée de l'assurance dépendance Afin de se donner la possibilité d'améliorer l'action en faveur des personnes dépendantes, la loi prévoit une réunion régulière des Ministres de la Famille, de la Santé et du Budget, des organisations œuvrant dans les domaines de la santé, de la famille et de l'action sociale ainsi que des représentants des personnes dépendantes. Convoquée par le ministre de la Sécurité Sociale, cette réunion aura pour but d'examiner le fonctionnement de l'assurance dépendance, des réseaux d'aides et de soins et des établissements et de faire des propositions pour améliorer la situation et la prise en charge des personnes dépendantes. Ces réunions pourraient être un canal privilégié pour permettre à la cellule d'évaluation d'exercer sa mission d'information, de conseil et de prévention.
5.5 Les actions expérimentales Pour permettre l'innovation dans le domaine de la dépendance, la loi prévoit la possibilité de financer des actions expérimentales dans certains domaines de la dépendance.
6. Les relations avec les prestataires
Deux types de prestataires sont concernés par l’assurance dépendance : l'établissement d'aides et de soins et le réseau d'aides et de soins.
6.1 Les établissement d'aides et de soins sont les institutions hébergeant de jour et de nuit des personnes dépendantes en leur assurant les aides et soins requis en fonction de leur état de dépendance.
6.2 Le réseau d'aides et de soins se définit comme «un ensemble organisé d’une ou de plusieurs personnes physiques ou morales, dispersé dans une zone territorialement donnée, de compétences différentes et complémentaires pour assurer et coordonner la prise en charge globale de la personne dépendante. La structure en réseau permet à la personne dépendante de s’adresser à un interlocuteur unique. Elle permet aussi d’assurer une continuité dans les aides et soins en matière de maintien à domicile.
6.3 L’agrément et le contrat d’aides et de soins Pour pouvoir fournir les aides et soins requis par la cellule d'évaluation dans le cadre de l'assurance dépendance, les établissements et les réseaux devront avoir reçu un agrément du Ministère de la Famille ou de la Santé. Ils devront en outre, avoir conclu un contrat d'aides et de soins avec l'organisme gestionnaire de l'assurance dépendance (UCM).
7. Le financement de l’assurance dépendance
Les ressources nécessaires au financement de l’assurance sont constituées - en raison de 45 % des dépenses totales, par une contribution à charge du budget de l’Etat ; - pour le restant par une contribution dépendance.
Cette contribution est due par toutes les personnes assurées en matière d’assurance maladie : - L’assiette de la contribution est constituée par les revenus professionnels, les revenus de remplacement et les revenus du patrimoine ; - En ce qui concerne les revenus professionnels et les revenus de remplacement, l’assiette mensuelle est réduite d’un abattement correspondant à ¼ du salaire social minimum ; - Il n’y a pas de minimum et de maximum cotisable ; - Le taux est fixé à 1 %.
8. Les perspectives
L’assurance dépendance fonctionne au Luxembourg depuis quatre ans. Un premier bilan du fonctionnement a été réalisé en 2001 après deux ans de fonctionnement. La principale conclusion qui a été tirée de ce bilan à la chambre des députés a été de dire que certains points de la loi devaient être modifiés.
L’assurance dépendance a fondamentalement bouleversé le système de la prise en charge des personnes dépendantes âgées ou handicapées. Une construction semblable ne se fait pas du jour au lendemain. Le démarrage a connu quelques lenteurs et engendré une certaine désorganisation. Ces problèmes se résorbent petit à petit. Actuellement, même s’il existe encore quelques résistances, les prestataires se montrent de plus en plus convaincus de l’utilité de l’assurance, notamment en raison de l’accroissement important des moyens que l’assurance met à leur disposition. On a vu par exemple les réseaux d’aides et de soins à domicile se développer de manière spectaculaire. En ce qui concerne le système de mesure de la dépendance adopté au Luxembourg, personne ne semble le contester même si la cellule d’évaluation estime quant à elle que la procédure doit être simplifiée tout en gardant une qualité égale voire supérieure dans le plan de prise en charge établi pour la personne dépendante.
8.1. Simplification de la procédure d’évaluation
Une nouvelle procédure d’évaluation est en cours de test et devrait permettre d’apporter davantage de rigueur dans la démarche. On envisage d’enrichir l’évaluation médicale de façon à ce que certains liens puissent être établis par le médecin entre les problèmes médicaux constatés et certains aspects de la dépendance. L’évaluation médicale serait réalisée en premier lieu. Le médecin-conseil pourrait ainsi désigner le professionnel le mieux indiqué pour réaliser l’évaluation de base compte tenu de ses propres constatations dans l’évaluation médicale. Il donnerait certaines pistes de recherche que l’évaluateur de base pourrait exploiter et approfondir à son niveau. L’évaluation de base aurait véritablement un statut complémentaire à l’évaluation médicale en se donnant pour objectif d’explorer les effets en termes de besoin pour les actes essentiels de la vie de la cause médicale diagnostiquée par le médecin conseil. Cette nouvelle procédure devrait permettre davantage d’objectivité dans la démarche d’évaluation qui serait fondée davantage sur des constatations médicales solides que sur le discours de la personne dépendante et de son entourage. Elle suppose une redéfinition du protocole d’évaluation médicale et une redéfinition du protocole d’évaluation de base.
La redéfinition du protocole d’évaluation médicale Le protocole d’évaluation médicale a été entièrement revu par l’équipe des médecins de la cellule d’évaluation et d’orientation. Il comporte deux parties : - un interrogatoire portant sur le mode de vie, les antécédents médicaux et chirurgicaux, l’histoire de la maladie, les éventuels traitement de rééducation et réadaptation, le traitement en cours, les signes fonctionnels et les plaintes subjectives. - un examen clinique comportant entre autres un examen de l’état nutritionnel, un examen sensoriel, un examen neuro-psychiatrique avec la passation du mini-mental test, un examen ostéo-articulaire, un examen des poumons, du cœur et des vaisseaux, de la peau et des téguments ainsi que de l’abdomen et de l’appareil uro-génital, Chacun des examens se conclut par une réflexion du médecin sur les implications dans les actes essentiels de la vie, des éventuels problèmes constatés. L’ensemble du protocole est construit de façon à permettre au médecin conseil de tirer des conclusions permettant de tirer des conclusions quant au professionnel le mieux indiqué pour réaliser l’évaluation de base mais aussi d’orienter les recherches de celui-ci sur les aspects problématiques qui se sont révélés dans l’évaluation médicale.
La redéfinition du protocole de l’évaluation de base
La redéfinition de la procédure d’évaluation impose bien entendu une refonte du questionnaire de l’évaluation de base, compte tenu notamment du contenu de l’évaluation médicale et du nouveau statut que l’évaluation de base est appelée à tenir dans cette nouvelle procédure. Compte tenu de la réalisation de l’évaluation médicale avant l’évaluation de base, une partie du questionnaire de l’évaluation pourra être supprimé. Il s’agit de toute la partie relative aux capacités de la personne. Cette économie de moyens devrait permettre de recentrer l’évaluation de base sur les compétences de la personne pour les actes essentiels de la vie en portant l’attention sur les liens qui ont été soulignés par le médecin conseil dans l’évaluation médicale. Par ailleurs, le questionnaire de l’évaluation de base pourrait se concentrer davantage sur certains aspects relationnels de la personne dépendante avec son entourage de même que sur son histoire et son mode de vie. Ceci permettrait d’éclairer certains aspects permettant de situer le besoin d’aide dans un contexte plus général et dès lors de mieux comprendre le phénomène de dépendance en tant que relation aidant-aidé. Enfin, la nouvelle procédure devrait également rendre aux expertises complémentaires, le statut qu’elles méritent. D’une évaluation de base, vaste dans son exploration mêlant des aspects très disparates, nous passons vers une évaluation centrée sur un objectif défini, permettant ainsi aux expertises, qu’elles soient des examens psychologiques, des bilans de kinésithérapeute ou d’ergothérapeute, d’approfondir les aspects qui s’imposent. 2. Une meilleure association des soignants à la démarche d’évaluation
Les nouvelles règles introduites par l’assurance dépendance ont été difficilement admises par des soignants habitués à un système qu’ils réglaient eux-mêmes. L’assurance dépendance introduit un droit pour la personne dépendante alors qu’auparavant l’ensemble était lié à l’engagement professionnel du soignant. Le démarrage de l’assurance dépendance a ainsi été marqué par une certaine tension entre les prestataires du terrain et la cellule d’évaluation et d’orientation, chacun se répétant de son côté que l’autre ne faisait rien de bon. On ne pouvait bien sûr pas en rester là. Il apparaît clairement à tout un chacun que les soignants doivent être progressivement associés plus étroitement à la démarche d’évaluation et ceci en leur permettant de parcourir avec l’évaluateur leur démarche de soins. De cette façon, soignant comme évaluateur pourraient dans un langage commun et un raisonnement analogue s’accorder sur les objectifs de la prise en charge et les moyens d’y parvenir. Actuellement, un groupe de travail informel réunissant des représentants des prestataires et des représentants de la cellule d’évaluation cherche à définir des lignes de conduite pour les uns et les autres, de façon à remettre la personne dépendante au centre du débat.
8.2. Dépôt d’un projet de loi modifiant certains points de la loi de 1998 : les grandes lignes du projet.
On ne s’étendra pas ici sur toutes les modifications qui sont envisagées pour la loi sur l’assurance mais nous voudrions attirer l’attention sur quelques points fondamentaux qui vont être modifiés.
8.2.1 Définition de la dépendance et accès aux prestations
En définissant la dépendance par deux éléments, une cause médicale et ses conséquences, les deux aspects étant indissociables, les auteurs de la loi se sont écarté des définitions qui existaient précédemment et qui pour les unes étaient fondées principalement sur un diagnostic médical, pour les autres uniquement sur les conséquences.
La définition de la dépendance, nouvelle dans le cadre du droit luxembourgeois, s’est dans l’ensemble révélée pertinente au regard de l’objectif poursuivi.
Toutefois, elle écarte du bénéfice de certaines prestations de l’assurance, des personnes ou groupes de personnes pour lesquelles ces prestations pourraient être indiquées.
Dans ce contexte, l’élément de seuil a été remis en question à plusieurs reprises lors des débats sur le fonctionnement de l’assurance dépendance.
- Introduction d’une dérogation au seuil pour les adaptations du logement .
La question de l’intervention de l’assurance dépendance sans égard à la condition du besoin minimal pour les actes essentiels de la vie se pose en ce qui concerne les adaptations du logement. A l’examen des statistiques en matière d’octroi et de refus des prestations, on peut remarquer le profil particulier du groupe des personnes atteintes de limitations du système loco- moteur, manifestement sur- représenté parmi les personnes à qui l’ensemble des prestations ont été refusées sur la base d’un besoin insuffisant pour les actes essentiels de la vie. Il s’agit pour la plupart, de personnes atteintes de limitations des membres inférieurs pour qui certaines adaptations au logement permettraient de mener une vie tout à fait autonome. Ainsi, à l’instar de ce qui se fait pour les appareils, a-t-il semblé utile d’introduire une modification afin de donner droit à une adaptation du logement sans tenir compte du besoin minimal d’aides et de soins pour les actes essentiels de la vie. On notera toutefois que tant pour le appareils que pour les adaptations du logement, la maladie ou la déficience en justifiant l’octroi doit être installée pour un minimum de six mois ou être irréversible.
- Précision de la définition pour une meilleure attention aux besoins des personnes atteintes de troubles cognitifs
On a fréquemment reproché à la méthode d’évaluation utilisée dans le cadre de l’assurance dépendance de sous-estimer la dépendance liée à des troubles cognitifs. Cette critique ne nous semble pas fondée car lorsqu’on regarde le groupe des personnes pour lesquelles un diagnostic de déclin cognitif a été posé, on constate qu’il est très nettement sous- représenté dans l’ensemble du groupe à qui les prestations ont été refusées. Il faut cependant admettre qu’un certain nombre de personnes présentant un début de perte des fonctions cognitives restent souvent très autonomes pour les trois domaines des actes essentiels de la vie et ne répondent pas à la définition de la dépendance. . Il n’en reste pas moins que la dépendance liée à des problèmes psychiques ou mentaux est préoccupante. Aussi, afin de recentrer l’attention sur les besoins spécifiques de ces personnes, il était important d’enlever toute équivoque dans la définition de la forme que peut revêtir l’aide requise. Aussi, a-t-elle été définie par le seul parallélisme entre une intervention physique effective (effectuer à la place de) et une présence active (surveiller/soutenir). La simplification du texte à cet égard devrait contribuer à davantage de clarté, tant pour les prestataires d’aides et de soins que pour la cellule d’évaluation et d’orientation.
- Suppression de la possibilité de définir le temps requis de manière forfaitaire pour certaines maladies ou déficiences
Si d’un côté, la condition de seuil minimal apparaît peu légitime lorsqu’elle exclut certains assurés du bénéfice de certaines prestations essentielles pour l’autonomie dans les actes essentiels de la vie, l’ouverture du bénéfice des prestations sans égard au seuil pour certaines maladies ou déficiences interpelle bien davantage.
En effet, les prestations octroyées dans le cadre de l’assurance dépendance répondent au besoin d’aide d’une tierce personne pour les actes essentiels de la vie. La possibilité de définir de manière forfaitaire le temps requis sur base du seul diagnostic sans tenir compte de la nature du besoin revient à ouvrir l’accès aux prestations de l’assurance dépendance pour des demandeurs qui ne présentent pas de besoin pour les prestations offertes par l’assurance. Certes, la possibilité de remplacer les prestations en nature par des prestations en espèces permet au bénéficiaire d’affecter les prestations à ses besoins précis, ceux-ci n’étant toutefois pas ceux visés par la loi. Par ailleurs, cette disposition d’exception, limitée à certaines maladies ou déficiences définies par règlement grand-ducal introduit un arbitraire manifeste dans le traitement des demandeurs de prestations.
8.2.2 La détermination des prestations requises
Des modifications ont été apportées dans le texte de la loi afin de préciser les étapes de la détermination des prestations requises. La formulation de cet article dans la loi du 19 juin 1998 permet difficilement de retracer les étapes suivies dans la démarche de détermination. Les modifications introduites correspondent au déroulement actuel de la procédure de détermination des prestations requises. A côté d’une description beaucoup plus précise des étapes de la détermination et de la mesure de la dépendance, il a semblé important d’introduire le terme de multidisciplinarité dans la description de la détermination des prestations requises. Le terme, neuf dans le cadre de la législation de la sécurité sociale, n’apparaît pas dans le texte de la loi de 1998. Le texte modifié propose aussi d’enlever de la loi la référence à la durée des aides et soins partout où elle ne se rapporte pas au paiement des actes. En effet, le recours à un système de mesure de la dépendance et de financement des aides et soins basés sur la durée de l’acte a induit une confusion entre l’acte et le temps nécessaire à sa réalisation, amenant ainsi une réduction du plan de prise en charge à un droit à un temps d’aides et soins. Or, tel n’est pas l’objectif : la personne dépendante a droit à des aides et soins et non pas à une durée de présence qui peut être utilisée de manière indifférenciée.
8.2.3 Les prestataires
8.2.3.1 Adaptation de certaines obligations faites aux prestataires
En ce qui concerne les obligations des prestataires, le texte modifié propose de supprimer l’obligation faite aux établissements d’aides et de soins de déclarer les lits disponibles à la cellule d’évaluation et d’orientation. Cette obligation avait été inscrite dans la loi de 1998 en réponse au problème de la carence des places disponibles en établissement. Les auteurs de la loi avaient estimé à l’époque que la cellule d’évaluation et d’orientation pourrait, sur base de la constatation de l’état de dépendance, orienter prioritairement les personnes les plus dépendantes vers les établissements les mieux adaptés. Cette disposition avait été particulièrement contestée par les gestionnaires d’établissements car elle constituait à leurs yeux, une ingérence abusive dans la gestion des établissements. Au niveau du contrat d’aides et de soins, l’obligation de déclarer les places disponibles fut alors tempérée par un délai de dix jours, ce qui eut pour résultat que les seules places déclarées à la cellule d’évaluation et d’orientation furent celles pour lesquelles l’établissement ne trouvait pas preneur. Au regard de ces arguments, il ne semble donc pas nécessaire de laisser dans le cadre de la loi sur l’assurance dépendance, une disposition impossible à appliquer dans les faits. La mission de centralisation des données sur l’offre en établissements et en centres de jour ou de nuit a par ailleurs été supprimée de l’ensemble des missions de la cellule d’évaluation.
8.2.3.1 La loi sur l’assurance dépendance prévoit deux types de contrats d’aides et de soins avec les prestataires. Le premier concerne les réseaux du maintien à domicile, le second concerne les établissements. Ceci a pour conséquence que la personne dépendante est soignée soit en établissement de long séjour, soit à domicile privé. Or, dans les faits, on peut constater qu’un certain nombre de personnes dépendantes (tout particulièrement les personnes handicapées jeunes) rejoignent périodiquement un domicile privé tout en étant en établissement et inversement. Il est paradoxal d’affirmer d’un côté un droit individuel et d’un autre côté de lier l’octroi de la prestation à un milieu de vie. En instaurant la possibilité de faire le partage des prestations entre aidant informel et réseau non pas ex ante mais ex post et admettant la possibilité de séjour intermittent domicile établissement, le nouveau projet de loi permet aux personnes qui le souhaitent de séjourner à la fois en établissement et à domicile. Cette possibilité reste réservée aux personnes répondant aux critères permettant de bénéficier d’un revenu pour personnes handicapées.
8.2.4 Les prestations
8.2.4.1 Une adaptation des plafonds des prestations
Les plafonds des prestations prévues pour le maintien à domicile ont été harmonisés avec les plafonds des prestations en établissement. Pour les actes essentiels de la vie, le plafond a été porté à 31,5 heures par semaine. Pour les activités de soutien, il a été porté à 14 heures par semaine.
8.2.4.2 La possibilité pour le prestataire d’adapter les prestations aux besoins fluctuants
La rigidité du plan de prise en charge établi par la cellule d’évaluation et d’orientation a souvent été dénoncée par les prestataires d’aides et de soins. Il est vrai que la population des bénéficiaires de l’assurance dépendance se compose de personnes dont l’état de santé et de dépendance sont peu stables. Afin de permettre au prestataire d’apporter à la personne concernée les aides et soins dont elle a besoin, sans devoir recourir systématiquement à une nouvelle évaluation, il est proposé d’ajouter au texte de la loi, une disposition qui permette au prestataire de prendre l’initiative d’ajouter des actes au plan de prise en charge établi par la cellule d’évaluation et de l’adapter ainsi aux besoins immédiats de la personne dépendante.
En l’absence de données sur l’intensité des besoins dans ce contexte, la marge de 3,5 heures par semaine a été retenue par référence au seuil d’entrée dans l’assurance dépendance et parce qu’elle permet de passer à la forme d’aide suivante en intensité dans chacun des trois domaines (d’une aide minimale vers une aide partielle pour l’hygiène corporelle, la nutrition et l’habillage/ déshabillage). Cette marge permettrait au prestataire d’augmenter la durée des prestations pour les actes essentiels de la vie mais aussi pour les activités de soutien mais elle ne pourrait pas être utilisée pour augmenter la durée des tâches domestiques ou des activités de conseil.
8.2.5 Des garanties quant à l’intervention de l’aidant informel
Au regard de quelques aspects problématiques qui ont été constatés par la cellule d’évaluation et d’orientation et par les prestataires d’aides et de soins, il a semblé utile d’ajouter dans la loi des modifications d’apparence mineure mais dont la portée n’est pas sans importance dans une perspective de qualité des soins.
- Nécessité pour l’aidant informel d’être en mesure de s’acquitter de sa mission
Il a semblé important de prévoir dans la loi une possibilité de fonder une décision de retrait sur la constatation de l’impossibilité de l’aidant informel d’assurer les aides et soins. A l’avenir, il sera exigé que la personne de l’entourage soit en mesure d’assurer les aides et soins. Par ailleurs, cette exigence comportera aussi la possibilité pour la cellule d’évaluation et d’orientation de requérir pour l’aidant informel des prestations sous forme de conseil.
- Le plan de prise en charge s’applique autant à l’aidant informel qu’au réseau
Dans le même ordre d’idées, on attirera l’attention sur les propositions de modifications qui ont été apportées à deux endroits du texte. En ce qui concerne la prise en charge des cotisations à l’assurance pension, on propose de préciser une fois de plus que les aides et soins doivent être assurés d’après le plan de prise en charge. Par ailleurs dans les missions de la cellule d’évaluation ( article 385) il est proposé d’ajouter que le plan de prise en charge est établi à l’attention du prestataire d’aides et de soins mais aussi de l’entourage du bénéficiaire.
8.2.6 Instauration d’une commission de qualité des prestations
Le débat sur la qualité des soins est des plus actuels non seulement au Grand-Duché de Luxembourg mais dans l’ensemble de l’Europe occidentale et chacun lui reconnaît une indéniable nécessité.
Dans le cadre de l’assurance dépendance, le thème de la qualité des prestations renvoie à quelques aspects spécifiques que l’on va tenter d’exposer ici.
En raison de la nouveauté de l’assurance dépendance, ce thème doit être abordé sous deux angles : d’une part, celui de la promotion de la qualité avec la définition de normes et d’autre part, celui du contrôle de l’application de ces normes.
- La promotion de la qualité et la définition des normes
Depuis les premiers moments de la mise en application de la loi sur l’assurance dépendance, l’organisme représentatif des prestataires revendique l’instauration d’une commission des normes. Cette revendication s’est renforcée au moment où par souci d’équité, la cellule d’évaluation et d’orientation a introduit des standards de soins dans les règles de détermination des aides et soins requis. En l’absence de références luxembourgeoises en la matière, la cellule d’évaluation et d’orientation s’est inspirée des normes appliquées au Québec dans le cadre du CTMSP. Il est vrai que la question des normes en matière d’aides et de soins ne concerne pas seulement la détermination des prestations, elle doit s’intégrer dans la pratique quotidienne des soignants pour le plus grand bénéfice de la personne dépendante. Lors de l’établissement du bilan de 2001, on a, par ailleurs pu se rendre compte combien les avis sur la définition de la qualité des prestations divergeaient d’un prestataire à l’autre. Aussi, l’idée de la nécessité d’une commission de promotion de la qualité des prestations qui harmoniserait les différents points de vue de tous les acteurs impliqués s’est- elle progressivement imposée pour aboutir à la proposition d’intégrer ce nouvel organe dans le cadre de la loi sur l’assurance dépendance. On notera les nuances apportées à la définition de sa mission : il est question d’élaborer des propositions de lignes directrices et de standards de référence. On ne peut, en effet, imaginer que le rôle de cette commission se limite à édicter des règles rigides sans tenir compte du savoir-faire et de l’expérience du soignant et de sa démarche de soins. On notera aussi que le texte proposé s’applique à la qualité des aides et soins mais aussi des appareils et des adaptations du logement, dont la place essentielle dans le plan de prise en charge a déjà été évoquée précédemment. Enfin, on relèvera que le texte parle de propositions. Celles-ci devront, bien entendu, être avalisées par le ou les organismes représentatifs des prestataires et l’organisme gestionnaire de l’assurance dépendance et intégrées dans les conventions- cadre.
- Le contrôle de la qualité des prestations
Après accord sur des normes de qualité, il y a lieu de les implanter dans la pratique quotidienne et d’en contrôler l’application. En raison de sa position dans le cadre de l’assurance dépendance et de sa composition multidisciplinaire, la cellule d’évaluation et d’orientation se révèle l’organe le plus indiqué pour assumer cette nouvelle mission. Il est ainsi proposé de modifier l’article 385 en ajoutant une nouvelle mission pour la cellule d’évaluation. Il est en outre proposé, afin de permettre un travail efficace, de donner à la cellule d’évaluation et d’orientation le droit de consulter la documentation des aides et soins établie par les prestataires pour chaque personne dépendante. Cette consultation permettrait aussi d’augmenter la qualité des informations recueillies lors des évaluations.
8.2.7 L’instauration d’une commission de surveillance dans le cadre de l’assurance dépendance
Dans le cadre de l’assurance dépendance, il n’existe actuellement aucune instance susceptible d’arbitrer les différends qui opposent les prestataires à l’organisme gestionnaire de l’assurance dépendance. Or, même si l’assurance en est à ses débuts, de tels litiges se sont déjà présentés. Par ailleurs, en ce qui concerne les problèmes relatifs à l’implémentation de normes de qualité, il semble indispensable qu’ils soient soumis à une instance externe. Il est dès lors proposé que ces litiges puissent être soumis à la commission de surveillance instaurée dans le cadre de l’assurance maladie et de l’assurance accidents.
[1] Dans le domaine de la nutrition, il s’agira principalement de l’aide pour la préparation des aliments en vue d’une absorption adaptée ainsi que l’assistance pour cette absorption. Dans le domaine de l’hygiène corporelle, il s’agira de l’assistance pour se laver, assurer l’hygiène buccale, les soins de la peau et des téguments ainsi que l’aide pour l’élimination. Dans le domaine de la mobilité, on citera l’aide pour l’exécution des transferts, les changements de position, l’aide destinée à maintenir la personne dans une posture adaptée, l’habillage et le déshabillage, les déplacements à l’intérieur du logement, dans les escaliers, ainsi que l’aide pour la sortie et l’entrée dans le logement.
[2] Dans le cadre du maintien à domicile, un règlement grand-ducal fixe la valeur d’une heure de prestation en nature à 45.30 EUR. La valeur d’une heure en espèces équivaut donc à 22.65 EUR. En milieu stationnaire, une heure de prestation équivaut à 34.50 EUR. |
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